Le vendredi 12 juillet, Santiana Vissière, doctorante haïtienne en 1ère année de thèse au Laboratoire GEO-OCEAN à l’UBO-IUEM (Brest), nous a présenté lors de ce séminaire les premiers résultats qu’elle a pu obtenir sur la variabilité tectonique et climatique du littoral haïtien dans le contexte géodynamique de la limite de plaques nord-américaine et caribéenne.
Qu’est-ce qu’une terrasse marine ? C’est une structure plate formée au niveau des côtes. Chaque terrasse marine se forme au cours d’une période interglaciaire (période pendant laquelle le niveau marin est haut et reste stable sur une durée assez longue) et se matérialise par une surface d’érosion causée par l’énergie des vagues. Dans les régions tropicales, les terrasses marines coïncident avec l’émergence des récifs coralliens et forment des structures en marche d’escalier si les côtes sont en soulèvement sur plusieurs cycles climatiques (plusieurs périodes glaciaires et interglaciaires). Dans son cas d’étude, c’est sur l’île d’Haïti que Santiana observe les structures de terrasses marines.
Le soulèvement des terrasses marines serait dû à la collision oblique entre les deux plaques (voir carte des blocs tectoniques sur la page du parcours en cartes de HAITI-TWIST). Cette hypothèse a été formulée car il s’agit d’une région située à proximité du contact des deux plaques en convergence oblique : en conséquence, les terrasses marines enregistrent les mouvements verticaux et en sont en quelque sorte les témoins.
Les grands objectifs de sa thèse de Santiana sont de quantifier les mouvements verticaux et le soulèvement des terrasses marines au cours du Quaternaire, de localiser les structures qui enregistrent les déformations, et de comprendre l’influence des différents forçages sur l’environnement côtier d’Haïti. Parmi différents facteurs à prendre en compte pour ces forçages, les variations eustatiques au cours du Quaternaire sont bien sûr primordiales.
La méthodologie de cette thèse consiste à analyser la morphologie des terrasses marines avec des « DEM » (Digital Elevation Models) de haute résolution. On commence par cartographier les pieds de falaise. Celui qui est le plus proche du rivage actuel est le plus jeune et n’a donc que peu ou pas enregistré de déformation, alors que les terrasses les plus élevées auront enregistré toutes les déformations depuis leur formation. Ainsi, leur analyse morphologique le long des îles permet de procéder à un suivi des variations d’altitude dans le temps et dans l’espace et donc de la déformation au cours du temps. Les terrasses d’Haïti sont des surfaces qui présentent effectivement des perturbations visibles dans la cartographie et les profils projetés: elles peuvent être mises en relation avec des failles proches ou plus éloignées. La combinaison des techniques permet d’identifier plusieurs déformations.
Santiana nous a présenté les premiers résultats de son travail, en commençant par ceux de l’île de la Tortue, au nord d’Haïti. Une étude récente a montré une zone de transition entre croûte continentale et croûte océanique à l’ouest de l’île. On observe un soulèvement plus important à l’est, pour la terrasse la plus récente. Ceci pourrait résulter de la subduction-collision avec le plateau des Bahamas. Les terrasses hautes sont très inclinées, les terrasses jeunes moins. On enregistre donc un cumul de déformation pour les plus anciennes, et éventuellement une variation de la vitesse de déformation.
Un premier résultat porte sur les décalages de terrasses le long des failles sur l’île : plusieurs d’entre elles découpent les terrasses avec des mouvements verticaux et latéraux, bien visibles. Les observations faites sur les terrasses au sud et au nord montrent un basculement d’ensemble vers le nord (voir Figure ci-dessus), ce qui est contre-intuitif, car la subduction-collision avec les Bahamas devrait produire l’effet inverse.
L’analyse montre aussi une déformation active des terrasses de part et d’autre de la faille inverse active, avec un basculement d’ensemble. Le soulèvement des terrasses est dû à la convergence entre le bloc de Gonave et la plaque Amérique du nord, et la faille présente sur place résulte logiquement de cette compression. Les basculements des terrasses ne sont probablement pas causés par la faille: le basculement régional observé pourrait être causé par la subduction-collision au niveau du contact avec le plateau des Bahamas.
Enfin, Santiana montre qu’il y a une connexion entre ce qui se passe en mer et les terrasses marines, car elles enregistrent les mêmes déformations que celles observées pour les couches marines sur les profils sismiques en mer. La suite de la thèse de Santiana cherchera à préciser l’origine des basculements de la péninsule nord-Ouest de Haïti en combinant ces informations.
Claire, au nom des étudiant·es de l’Université Flottante
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