8-12 Mai 2022 | Au large de la pronvince d’Eastern Cape , Afrique du Sud
Eugénie Dufour, Salomé Pellé, Manon Gibaud et Luis Chomienne
Alors que les premiers cas contacts négatifs sortent de leurs isolements, les stations d’échantillonnages reprennent leur rythme sur le nouveau tourbillon auquel nous nous intéressons, entre Port Elizabeth et Durban. Le 12 mai, 4 stations ont été réalisées entre 8h et minuit, mobilisant tout l’équipage. Ces stations fixes, avec plongée de la rosette et des instruments à mesure verticale, alternent avec les mesures en continu réalisées par le scanFish et le MVP (Moving Verstical Profiler) lors des transits en radiales parallèles rapprochées, appelées « radiateurs ».
Au cours de ces stations, le travail des étudiants au niveau de l’équipe zooplancton a évolué alors qu’une partie de cette équipe est confinée. Les étudiants prennent ainsi plus de responsabilités sur le déployement du Multinet, qu’ils connaissent désormais mieux, et sont heureux de se rendre utile en aidant Sara Tembe dans la filtration des échantillons et leur fixation au formol.
Il en est de même pour l’équipe acoustique : le chalutage est devenu quotidien et une routine bien huilée s’est installée. Des changements d’étudiants se réalisent maintenant au sein même des quarts de travail. En effet, ceux-ci peuvent sinon être très long et exigeants, car des poids records de chaluts sont atteints dans ces zones côtières à l’hydrodynamisme particulier (8 kg aux dernières nouvelles) !
Pour rendre le travail plus agréable, la musique est de mise dans le conteneur où se déroule le tri, donnant à celui-ci des allures de joyeuse colonie. La mode s’est étendue à la rosette, où les musiques des 70’s résonnent, donnant une atmosphère idyllique et mélancolique au travail minutieux réalisé devant le panorama de la côte Sud-Africaine. Aucun doute que ces instants de paix, loin du monde, resteront ancrés dans la tête des étudiants, sous leurs casques de chantier bien scellés.
L’échantillonnage en radiateur se réalise de manière perpendiculaire à la côte, avec des stations de profondeur variable entre 200m à la côte et 2000m au large. A ces profondeurs, des petites expériences ont été menées pour mettre en évidence l’effet de la pression et en garder un petit souvenir. Des gobelets et autres petites structures en polystyrène ont été décorées et accrochées à la rosette descendue à 2000 m de profondeur. Sous cette force colossale, le polystyrène se contracte et nos petites œuvres d’art sont revenues réduites de moitié !
Du côté de la vie sociale sur le bateau, certains des étudiants se sont lancé le défi de parcourir 100km sur les vélos d’appartements de la salle de sport, d’autres se donnent rendez-vous quotidiennement dans la cale pour jouer au ping-pong ou au badminton… On ne se laisse pas abattre ! Les activités artistiques se développent aussi, à travers le dessin, l’écriture (envolées lyriques sur le blog), l’origami, la musique… et le visionnage de film dans la salle de conférence !
Les transits de station en station laissent la part belle aux observations de mégafaune. Alors que la houle rend difficile l’étude des mammifères marins, le souffle d’un cétacé ont tout de même été détectées au loin, à 5 km du bateau. Un cachalot ! L’espèce est reconnaissable par son souffle, orienté à 45° vers l’avant gauche de l’individu. De plus, la fréquence de sa respiration, moins élevée que celle des femelles ou des juvéniles, suggère qu’il s’agissait d’un adulte mâle.
Un requin a également été vu nager autour du bateau lors de la plongée de la rosette… Comme seul l’aileron a pu être observé, l’espèce n’a pas directement été identifié. Néanmoins, grâce aux prélèvements d’ADN environnemental réalisé par Guillaume Chandelier lors de cette station, celle-ci pourra être déterminée à posteriori. En effet, cet individu a forcément laissé une trace génétique de son passage, qui seras amplifiée et comparée avec les séquences d’ADN contenues dans les bases de données.
Alors que l’on a finalement exploité sans encombre le courant des Aiguilles comme autoroute, l’équipe des oiseaux marins s’étonne : les quantités de macroplastiques, pour une zone loin des fleuves et des côtes, est anormalement élevée. Cela est probablement dû aux inondations qui ont frappé l’Afrique du Sud et le Mozambique récemment, et qui ont emporté de nombreux déchets vers l’océan. Parfois, la circulation de Langmuir, convergences d’eau crée par le vent, forme des « lignes » d’eau visibles a l’œil nu où les déchets sont amassés.
Heureusement ce triste constat n’empêche pas les belles rencontres : des pétrels noirs, au vol caractéristique, au ras de l’eau avec des changements brutaux de direction, ont été aperçus. Ces performances de voltige se différencient bien du vol des albatros qui profitent de leur envergure pour planer en se laissant gracieusement porter par le vent. D’autres espèces ont aussi été observés : parmi elles, des étourneaux mais aussi des océanites tempêtes qui, à l’opposé des albatros, sont les plus petits des oiseaux marins.
Le 12 mai, nous avons fêté les 27 ans de Nasreen, qui réalise son stage avec Steven Herbette. Ce fut l’occasion pour le groupe de musique de se réunir à nouveau, avec Felipe toujours à la guitare, Ioannis au tam-tam, et de nombreux choristes pour interpréter « Slow Down » de Skip Marley. Un moment qui a remis du baume au cœur à tout l’équipage !
Les conférences continuent avec Jordan Toullec, concernant l’influence du phytoplancton sur la pompe du carbone, Arthur Blanluet sur l’impact des DCP (Dispositif concentreur de poisson) sur les thons, Christophe Mocquet, avec le travail des étudiants de l’université cote d’azur sur le suivi à long terme de l’écosystème des iles de Lérins et avec Ceiça Chioze sur les communautés de zooplancton dans le canal du Mozambique. La présentation de Peter Ryan a également réveillé les cœurs des fans d’oiseaux – mais pas que –, avec des images magnifiques des espèces rencontrées au cours de notre voyage et un aperçu des grandes problématiques qui touchent les oiseaux marins. Les résumés de ces présentations sont en rédaction par les étudiants, et les enregistrements seront bientôt disponibles afin d’en faire profiter le plus grand nombre.
Alors qu’une douce routine s’installe, il va bientôt être temps d’aller récupérer notre précédent mouillage, le Wirewalker, qui récolte les données en solitaire depuis une dizaine de jours au large de Durban. En effet, nous profiterons des conditions météorologiques plus clémentes pour aller le récupérer le dimanche 16 mai, cela avant de revenir sur nos pas pour effectuer une dernière grosse journée d’échantillonnage sur le tourbillon où nous nous trouvons actuellement.
Néanmoins, tout reste sujet à modification : scientifiques et membres d’équipages répondent à leurs propres contraintes, elles même dépendantes de la météo et du matériel. S’il y a bien une chose à retenir de ce voyage, c’est à quel point les changements de plans sont fréquents, mais que toujours des solutions sont trouvées pour permettre le meilleur compromis. Il est d’ailleurs impressionnant de voir l’adaptabilité dont font preuve tous les membres du bateau pour permettre le bon fonctionnement de cette micro-nation !