Manon Mastin est ingénieure de recherche à Ifremer Brest et docteure en géochimie. Elle nous présente la campagne Mayotte OceanX qui s’est déroulée à bord du bateau OceanXplorer (Photo ci-dessus), du 21 au 29 août 2025, au large de Mayotte. Ce navire mesure 87 m de long et peut accueillir une quarantaine de personnes. Aussi, il est équipé d’un laboratoire utilisé lors des missions scientifiques.

OceanX est une organisation mondiale à but non lucratif qui a mis à disposition le navire OceanExplorer ainsi que l’équipage. Elle a travaillé en collaboration avec l’Ifremer, responsable et organisateur de la campagne scientifique, pour filmer la mission à des fins de médiation. A bord, une équipe de 15 scientifiques était présente. L’activité principale était l’acquisition de données acoustiques sur le volcan Fani Maore et la zone du Fer à Cheval (90h) et la plongée sous marine avec le ROV (remotely operated underwater vehicle, soit un véhicule sous-marin téléopéré) pour échantillonner des fluides et roches et récupérer des instruments au fond de l’océan (Photo 1 ci-contre).
L’avantage du ROV est d’être un petit sous-marin guidé à distance, permettant une augmentation de la précision dans les prélèvements. Il est constitué de bouteilles Niskin sur le côté et à l’avant pour la collecte de l’eau, d’un aspirateur (pour certains sédiments par exemple), d’une sonde de température, d’un push core pour le carottage, d’une cuillère (aussi pour le ramassage de roches) et de lasers permettant de dimensionner les éléments observés.
Pendant la mission OceanX, Manon a décrit sa journée type : ils déployaient le ROV à 7h, déjeunaient à 12h30 puis la réunion scientifique avait lieu à 17h. Ils dînaient ensuite à 18h30, pour pouvoir faire la remontée du ROV ainsi qu’une réunion avec le commandant à 19h. L’acquisition acoustique se faisait la nuit, de 20h à 6h du matin.
Grâce à cette campagne, les scientifiques à bord ont pu explorer des zones nouvelles ou déjà connues, mais auparavant turbides et avec peu de visibilité. Par exemple, le passage du ROV au sommet du Fani Maore a permis d’observer la formation d’un dépôt jaunâtre d’oxyde de fer et son accumulation sur un instrument déployé lors d’une précédente mission (Photos 2 et 3).
Photo 2. Instrument de mesures sur le fond laissé en 2021 lors de la campagne GEOFLAMME….

Photo 3. Le même instrument que sur la Photo 2, photographié en août 2025 lors de la campagne Mayotte OceanX (voir article de Mayotte Hebdo).


Le sommet du volcan présente une multitude de paysages très différents, avec notamment des cheminées hydrothermales émettant de l’eau à 38°C maximum, ce qui provoque un moirage du fait de la différence de température avec l’eau environnante (environ 1°C). Ils ont également observé des pillow lavas (Photo 4 ci-contre) ou des amoncellements de laves cordées et chaotiques (photo 5 ci-dessous) résultant des différentes phases éruptives.
Sur le site du Fer à Cheval, où des panaches de gouttelettes de CO2 liquide avaient déjà été observés, les passages du ROV ont permis de mieux appréhender leur structure et leur débit, ainsi que leur température. Grâce à eux, des prélèvements d’eau ont également pu être effectués au plus près de leur source.


Ces panaches peuvent atteindre plus de six cents mètres de haut (voir enregistrement dans la colonne d’eau dans le Journal de bord, Jours 8-10: A travers les panaches), mais sont fortement influencés par les courants marins. Le CO2 émis se retrouve souvent à la base, sous forme d’un amas d’hydrates en colonne, à la forme très surprenante (Photo 6 ci-contre).
Enfin, les scientifiques ont pu observer des balbutiements de vie au fond, notamment avec des poissons et quelques coraux dispersés. Pour conclure, Manon a exprimé son ressenti vis-à-vis de la campagne ; elle en garde un bon souvenir. Un de ses collègues a cependant pris la parole pour exprimer un certain regret de ne pas avoir pu prélever directement et uniquement le CO2 liquide sorti des panaches en raison de contraintes de transport de gaz liquide compressé.