2 octobre – 4 octobre 2025 | A la découvert des panaches
Auteure : Léa
La routine s’installe peu à peu à bord : les quarts s’enchaînent, les opérations se poursuivent, et quelques visites sont organisées, comme celle du laboratoire de chimie. Chaque jour apporte son lot de découvertes, la campagne avance, et avec elle, de nouveaux chemins se dessinent.
Nous avons mis le cap sur la « boîte Côte » (Figure 1), avec les sites du « Fer à Cheval » (forme en U tournée vers le nord) et de la Couronne (reliefs successifs disposés en couronne juste au nord du Fer à Cheval), situés à environ 15 km à l’est de Petite Terre, où plusieurs instruments doivent être récupérés. Il s’agit d’une zone-clé qui est quadrillée et suivie méthodiquement depuis plusieurs années, car des émissions de fluides très importantes y ont été observés, formant dans la colonne d’eau, sur plusieurs centaines de mètres, des structures sub-verticales ou inclinées appelées panaches. Ces fluides sont en fait du dioxyde de carbone (CO2) sous forme de gouttelettes sortant du fond de la mer.

Figure 1 : Situation de la zone d’étude, avec les 3 boîtes principales à l’Est de Mayotte. Document du réseau REVOSIMA
Pour localiser ces panaches et suivre leur évolution, nous devons sans cesse adapter la planification de la mission et ajuster la surveillance en temps réel. L’adaptabilité, tel est le maître-mot de cette campagne : chaque nouvelle donnée collectée, chaque incident ou retard peuvent amener à modifier le programme initial. La communication reste également essentielle pour coordonner efficacement les opérations entre les différent groupes scientifiques et techniques. Pour cela, 2 réunions quotidiennes sont réalisées, l’une avec tous les scientifiques (y compris les étudiants) et l’autre avec les responsables opérationnels sur le navire, par poste et pas instrument.
A l’approche de la route des panaches, la concentration et la réactivité du personnel de quart sont de mise afin de repérer les panaches déjà répertoriés et de détecter d’éventuelles nouvelles activités. Cette zone revêt une importance capitale : elle permet de suivre l’évolution des émissions au fil des années. Les panaches sont détectés grâce aux sondes SMF et EK80 (Figure 2).

Figure 2. Détection des panaches (flèches), visibles en temps réel sur les écrans de l’EM122 (à gauche) et de l’EK80 (à droite).
L’ambiance est électrique à bord à l’idée de détecter un panache encore inconnu ! Ce suivi est essentiel, car il renseigne sur l’évolution de l’activité volcanique : toute variation – qu’il s’agisse d’une amplification, d’un affaiblissement, ou d’une constance des émissions par rapport aux années précédente ou encore d’une réorganisation (division ou concentration des racines des panaches – constitue un indicateur (proxy) clé de l’évolution du volcan sous-marin.

Toujours côté opérations, un autre moment fort de ces derniers jours : la réalisation de la première drague ! Ce moment fut une réelle ébullition générale, surtout côté étudiants géologues, surexcités à l’idée de découvrir les premiers échantillons. Coup de chance, la manœuvre s’est déroulée juste avant le dîner – parfait pour savourer à la fois le repas et la réussite de cette opération.
Figure 3. Premier dragage à bord. a) descente de la drague à vide ; b) tri des roches (ici, basanites) par l’équipe de dragage (crédits Jade) ; c) remontée de la drague pleine (crédit Raphaëlle & Léa).
A mesure que la mission avance, la fatigue commence à se faire sentir : les réveils deviennent plus difficiles et les quarts semblent longs, surtout lorsque l’activité ralentit. Pour maintenir son attention, chacun trouve de quoi s’occuper, en profite pour échanger avec les scientifiques à bord ou grapille quelques heures de repos entre 2 opérations. Être responsable de l’acoustique de la colonne d’eau demande une vigilance importante, notamment dans la zone où les panaches sont concentrés.
Le 1er octobre fut une journée marquante dans la carrière de Jacques : à 0 h, il a officiellement pris sa retraite, professeur émérite, tout en restant présent à bord pour nous encadrer avec la même bienveillance. Ses collègues restés à terre l’attendent de pied ferme pour célébrer comme il se doit son départ en retraite.
Le 3 octobre, une vente de timbres a animé la vie à bord (Figure 4). L’initiative, victime de son succès, a surpris l’équipage : les derniers arrivants n’ont eu que peu de choix !
Figure 4. Timbres vendus sur le bateau.

Le 4 octobre au soir, le programme a été rapidement revu : notre timing étant serré, il a fallu s’adapter. Nous avions rendez-vous à 5h du matin au Nord de Mayotte, au niveau de la passe, où le pilote nous attendait pour la suite des opérations …