Ce 16è séminaire nous a été donné en bilingue (anglais/français) par Carole Berthod, Physicienne-Adjointe à l’IPG à Paris, et Kalini Bruckel, post-doctorante au Laboratoire LMV à Clermont-Ferrand. Il porte sur l’étude de roches provenant de dragages pour comprendre le fonctionnement et l’évolution du système magmatique autour de Mayotte, en lien avec la crise sismo-volcanique de 2018.
Carole nous a tout d’abord présenté rapidement son parcours, jusqu’à son post-doctorat au laboratoire Magmas et Volcans (Clermont-Ferrand), dans le cadre du projet Pamela. Ce projet consistait en l’étude des roches provenant de 22 dragages dans l’ensemble du canal du Mozambique en 2014. Cette étude fut toutefois interrompue par l’importante crise sismo-volcanique de 2018 à Mayotte, qui mena Carole à mettre son post-doc en pause et à concentrer ses recherches sur cet événement.
L’autre intervenante, Kalini, étudie le lien entre la pétrologie et la géologie et les échelles de temps de formation des cristaux dans les magmas. Elle fait depuis 2025 un post-doc sur les volcans de Mayotte.
C’est donc Carole qui commence par nous présenter des éléments de contexte autour du volcanisme du Fani Maoré. Les premières dragues à roche sur ce nouvel édifices ont été réalisées lors des missions MAYOBS 1, 2 et 4, au cours desquelles le volcanisme dans la zone était toujours actif, et donnait une opportunité remarquable de pouvoir suivre l’apparition de nouvelles coulées et de les échantillonner directement. Ces premières missions ramenèrent notamment beaucoup de « popping rocks », des roches contenant des quantités importantes de gaz sous pression, et prêtes à exploser au moindre petit choc. Des quantités résiduelles de grenat (une roche formée sous de grandes pressions) dans les prélèvements semblent indiquer que le magma de ces coulées viendrait de zones assez profondes.
Les roches constituant les magmas des coulées évoluent chimiquement lors de leurs résidences dans des chambres magmatiques. Ainsi, en étudiant la répartition d’espèces chimiques, et la structure de cristaux dans les roches des coulées, on peut obtenir une idée du parcours suivi par différentes roches. Par exemple, des basanites assez évoluées on été trouvées, ce qui indique qu’elles auraient eu le temps de se transformer graduellement après avoir été expulsées de leur chambre originelle, ce qui laisse penser à la présence d’une chambre magmatique entre l’origine du magma et la surface.
Des expériences ont aussi été faites pour estimer la profondeur de formation des cristaux, et qui indiquent la présence de cette chambre entre 30 et 50km sous la surface, au niveau de l’essaim proximal décrit par exemple par Eric Jacques (voir synthèse séminaire 8).
Les coulées arrivées lors de la crise ont été réparties en trois phases. Lors de la première phase, de mai 2018 à mai 2019, on retrouve un magma formé à 85 km de profondeur, cristallisé à 50 % et composé d’environ 20 % d’olivine et 80 % de pyroxène. Ces 50 % de cristallisation, avec la donnée d’un volume de coulées estimé de 5/6km3 en surface, implique une chambre magmatique d’une dizaine de km³. A partir de la deuxième phase, on constate des roches plus zonées, avec des cristaux ayant eu plus de temps pour se former. On a notamment plus d’olivines, qui se sont formées sur la route entre la chambre et le Fani Maoré. La chambre serait au niveau du Moho, entre la croûte et le manteau. La troisième phase semble avoir vidé la poche de magma, et on constate un déplacement du site éruptif.
Vient ensuite le tour de Kalini de nous expliquer ses recherches sur les échelles de temps dans la formation de ces magmas, en se concentrant sur les deuxième et troisième phases éruptives, avec donc des olivines assez grosses et zonées.
Afin d’étudier les échelles de temps des processus magmatiques, elle utilise la technique de la chronométrie par diffusion. Avec un microscope à électrons, elle réalise des profils de cristaux d’olivine, et étudie la diffusion des cristaux dans les olivines.

En effet, plus longtemps un cristal restera à haute température à évoluer, typiquement dans les chambres magmatiques, plus les cristaux zonés vont se diffuser dans la structure. En regardant la prévalence des éléments le long d’un profil on obtient alors une figure passant d’un changement brusque à une pente plus douce (Figure 1).
Figure 1. Chronométrie par diffusion – Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/
Cette vitesse de diffusion dépend aussi de la température de la chambre, mais une fois cette donnée obtenue on peut utiliser la pente des profils d’olivines pour calculer une estimation de la durée d’évolution du magma dans la chambre.
Pour la deuxième phase, on obtient des échelles de temps assez courtes, allant de deux semaines à trois mois. Les échelles de temps de la troisième phase sont plus longues. L’éruption arrêtant le processus d’évolution du magma, cette connaissance des échelles de temps et des dates d’éruption nous donne une idée des dates d’irruption du magma dans la chambre. Sur la première période, on a ainsi quasiment aucune intrusion, alors qu’une intrusion en 2019 se reflète par une baisse de la sismicité. Il y a une autre intrusion lors de la troisième phase.
Carole reprend la main pour à nouveau nous donner quelques éléments de contexte.