Les femmes sont très mal représentées en sciences. Lorsqu’on essaye d’y réfléchir un peu, les personnalités scientifiques qui nous viennent en premier sont essentiellement des hommes. Si vous avez une bonne culture scientifique, vous pourrez peut-être en trouver 3 ou 4. Dans les manuels scolaires par exemple, la proportion de femmes représente uniquement 13% des personnages célèbres.
Les femmes vont sous-estimer leur potentiel, voire même parfois inconsciemment ne pas penser à la possibilité qu’un poste leur est possible.
Lors de notre entretien avec Yamirka Rojas-Agramonte, celle-ci nous a raconté une situation marquante à ce propos. Dans le cadre d’un entretien, elle avait demandé à une de ces étudiantes ses envies pour son avenir professionnel. La réponse de l’étudiante a surpris Yamirka. De la part d’une étudiante brillante, on s’attendrait à ce qu’elle veuille avoir une grande carrière en recherche jusqu’à devenir Professeure, mais ses perspectives étaient largement sous-estimées par rapport à ces capacités. Yamirka lui a donc fait part des perspectives qu’elle pouvait envisager, et l’étudiante lui a répondu qu’elle n’y avait même pas songé. Comme si ces perspectives n’étaient tout simplement pas une option.
Nous avons également pu interroger Yamirka sur son expérience en tant que femme dans le milieu de la recherche.
Côté scientifique comme côté équipage, les changements en faveur de l’égalité femme-homme arrivent progressivement.
Si on regarde les proportions entre femmes et hommes embarquant.e.s, on peut se rendre compte que sur ce Leg 2 de la campagne HAITI-TWIST, la partie scientifique est composée à 56,4% de femmes (22 des embarquant.es sont des femmes). Du côté de l’équipage, elles ne représentent que 11% des membres de l’équipage. On peut noter que la seconde commandante est une femme.
Sur le Leg 2, les femmes sont ‘sous-représentées’ du côté des marins ; mais lors du Leg 1, les femmes représentaient une plus grande proportion. Au moins une femme était présente par service (cuisine, mécanicien.ne, lieutenant.e …).
Nous avons pu interroger certains membres de l’équipage, femmes et hommes, sur leur ressenti et leur vision sur la place des femmes en mer (Solène, Sybille, Léon, Youenn, notamment). Depuis quelques années, le milieu maritime s’est ouvert aux femmes, ainsi on trouve de plus en plus de femmes dans les métiers de la mer. On peut le remarquer dans les écoles : par exemple, dans la promotion de la seconde commandante (Solène), sur 120 étudiants, 15 étaient des femmes. 12,5% de femmes dans une promotion étudiante, ça peut paraître peu, mais si on regarde les statistiques de la proportion de femmes dans ces écoles, c’est une augmentation considérable. Le nombre de femmes à se diriger vers un poste dit de « mec », comme mécanicien ou matelot, est de plus en plus important. Ces postes « salissants », catégorisés comme masculins jusque-là, se féminisent. Certains postes restent encore exclusivement masculins comme le Bosco (responsable de la sécurité des matelots à bord) mais l’évolution est en cours.
En parlant des inégalités de genre dans le travail, on peut penser aux écarts salariaux, qui représentent encore aujourd’hui une inégalité majeure. Au sein de Genavir, filiale de l’ifremer, les salaires sont évalués à partir d’une grille salariale en fonction du poste occupé. Une femme et un homme de même poste auront donc le même salaire. Les inégalités salariales ne proviennent pas seulement du niveau de salaire, mais de l’occupation des femmes à des postes à responsabilités. Chez Genavir, on peut compter une femme commandante et 3 femmes secondes commandantes. Dans d’autres compagnies qui n’engagent pas de marins français, les chocs culturels peuvent être violents à ce niveau-là. Certains de ces marins ont des commentaires tels que « ne fais pas ça, tu vas te salir » ou encore « Si ma fille me disait qu’elle voulait faire la marine, je serais très déçu ». Certaines compagnies n’engagent pas de femmes : sans l’annoncer, c’est de notoriété publique.
La présence des femmes, de plus en plus nombreuses au sein des équipages, montre une évolution dans la vision de ces métiers de la mer. Par exemple, il y a 17 ans, Sybille était la première femme de chez Genavir à embarquer. Aujourd’hui, elle travaille essentiellement sur le N/O Pourquoi Pas ? en tant que 1ère Maître d’hôtel. Elle voit du changement et de plus en plus de femmes embarquer, ce qui la rend heureuse.
Solène trouve que le plus compliqué pour les femmes se trouve dans l’image qui est renvoyée sur le monde maritime et ses métiers. Pour elle, l’envie de s’orienter dans ce monde lui a été transmis par son grand frère, marin lui aussi.
En mer, sur les navires on peut se sentir isolé. Des problèmes peuvent survenir au sein des équipages, comme du harcèlement. La présence de délégué·es qui peuvent faire le lien rapidement avec les responsables sur terre est essentielle sur le navire. Il ne faut jamais rester dans le silence et venir au délégué.es ou à une personne de confiance qui pourra intervenir (collègue, responsable, …) ou du moins réagir pour désamorcer la situation. En mer, en cas d’accusation de harcèlement, aucun aspect juridique ne peut être appliqué : il faudra attendre le débarquement pour régler entièrement la situation. Il revient donc aux délégué·es de « temporiser » sur celle-ci. Les non-dits et les conflits, c’est difficile à régler à bord, donc les gens prennent beaucoup sur eux, notamment les femmes dont l’autorité sur un navire peut déranger certains hommes. Alors l’aide d’autres figures d’autorité « masculine » est encore nécessaire (commandant ou bosco), mais plus pour longtemps espérons.
Maïwen et Jean, au nom des étudiant.e.s de l’Université Flottante