4 mai 2022, N/O Marion Dufresne, Canal du Mozambique
Autrice: Lea Nupnau
Amanda Lombard est professeur et chercheuse en Marine Spatial Planning à l’Université Nelson Mandela. Forte de ses 30 années d’expérience dans la planification et l’évaluation de la conservation au niveau local, national et international, Mandy nous a parlé, lors de son séminaire à bord du Marion Dufresne, de la planification en conservation marine et de la création d’une Aire Marine Protégée (AMP). Elle a notamment illustré son séminaire avec l’exemple des 20 nouvelles AMP offshore sud-africaines sur lesquelles elle a travaillé au cours des deux dernières décennies.
Depuis des siècles, l’océan assure la subsistance de l’humanité en produisant 50 % de l’oxygène dont nous avons besoin pour respirer, en absorbant les émissions de CO2 et la chaleur de l’atmosphère, ou en soutenant les écosystèmes marins et terrestres. Ces derniers, lorsqu’ils sont en bonne santé, peuvent fournir à leur tour des services écosystémiques tels que des sources de nourriture, la protection des côtes et une diversité génétique précieuse pour la bioprospection.
En tant qu’êtres humains, nous utilisons l’océan de manière de plus en plus intensive pour le transport, les loisirs et comme source de nourriture. Ainsi, la surpêche, la pollution, la destruction des habitats et les impacts des changements climatiques tels que le réchauffement et l’acidification des océans ont modifié et dégradé continuellement les écosystèmes marins au cours des dernières années, compromettant le fonctionnement des écosystèmes et de leurs services.
De nombreux exemples démontrent le caractère destructeur des activités humaines, comme la réduction de 70 % des forêts de mangroves dans le monde ou la diminution de 97 % des stocks de thon rouge du Pacifique, qui ont pratiquement disparu. Rien qu’en Afrique du Sud, la surpêche et les modifications de l’environnement et des écosystèmes dues, par exemple, à la prolifération d’algues nocives ont provoqué l’effondrement des populations de plusieurs espèces marines, affectant toute la chaîne alimentaire. Parmi ces espèces figurent la langouste rouge, le calmar du Cap oriental et les manchots. L’effondrement des manchots africains depuis le début du 21e siècle est particulièrement impressionnant (figure de droite).
Les Aires Marines Protégées (AMP) sont l’un des outils permettant de conserver et de protéger les écosystèmes et les espèces marines. Il a été prouvé qu’elles constituent un outil efficace pour prévenir les pressions telles que la pêche ou la surfréquentation et la dégradation des écosystèmes qui en résulte. Dans le même temps, ce statut de protection favorise la restauration des écosystèmes concernés, ce qui permet de rétablir l’efficacité des services écosystémiques et d’obtenir un retour sur investissement compris entre 1:3 et 1:20. Les AMP les plus efficaces sont les zones de non-prélèvement (c’est-à-dire les zones dans lesquelles l’extraction ou la destruction des ressources naturelles est totalement interdite). Par exemple, la figure ci-dessous montre l’augmentation exponentielle de la biomasse de poissons hebivores en fonction de la durée de la protection dans 15 AMP classée comme zones de non-prélèvement.
Afin d’assurer le succès et de permettre l’évaluation de l’efficacité d’une AMP, celle-ci doit être conçue pour servir des objectifs de conservation spécifiques et pertinents. Ces objectifs doivent être adaptés à chaque région et à ses pressions, ce qui nécessite une planification individuelle de la conservation pour chaque zone d’intérêt.
La planification de la conservation nécessite la collecte d’un maximum d’informations sur la zone en question. Les informations sont récupérées/acquises à partir de différentes sources telles que l’observation, la modélisation et des combinaisons des deux. La bathymétrie, les cartes benthiques, les conditions océanographiques, les observations de divers paramètres et de petits organismes jusqu’aux prédateurs supérieurs et les efforts de pêche sont des informations précieuses qui sont utilisées pour créer des cartes d’utilisation de l’habitat. En plus de cela, des couches de coûts sont créées qui indiquent l’intensité et l’importance de l’activité humaine dans les différentes zones d’intérêt car elles sont généralement en conflit d’intérêt avec la création d’une AMP.
Lors de l’établissement d’AMP, l’un des principaux objectifs est de couvrir une grande diversité d’habitats (pélagiques, benthiques,..) tout en considérant l’importance de certaines zones pour l’utilisation humaine. Pour identifier les zones pertinentes pour atteindre les objectifs de conservation, les logiciels de planification de la conservation (par exemple Marxan) permettent de créer des cartes de fréquence de sélection. Afin de savoir pourquoi certaines zones sont considérées comme plus importantes que d’autres dans les cartes de fréquence de sélection, des cartes de zones cibles sont créées et peuvent être utilisées comme outil d’argumentation lors des réunions des parties prenantes qui sont nécessaires pour mettre en place une AMP et s’assurer que les nouvelles réglementations seront respectées.
Étant donné que la planification des AMP nécessite d’abord la collecte de nombreux points de données différents et ensuite la consultation des parties prenantes, le processus peut prendre plusieurs années. Dans l’exemple de l’Afrique du Sud, la désignation des dernières AMP (figure ci-dessous) permettra de protéger plus de 5 % de la zone économique exclusive sud-africaine.
Bibliographie :
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Stockwell, B., Jadloc, C. R. L., Abesamis, R. A., Alcala, A. C., & Russ, G. R. (2009). Trophic and benthic responses to no-take marine reserve protection in the Philippines. Marine Ecology Progress Series, 389, 1-15.