Jennifer Beckensteiner, a démarré en octobre 2020 un post-doc ISBLUE de 2 ans au laboratoire AMURE dans le cadre de l’axe « L’océan vivant et les services écosystémiques » (Thème 4) encadrée par Olivier Thébaud et co-encadrée par Tony Charles, (Saint Mary’s University, Canada) et qui a pour thème : « Renforcer la durabilité de la pêche par l’adaptation des systèmes socio-écologiques aux changements globaux ».
J’ai toujours pensé travailler dans la gestion des ressources naturelles et petit à petit, suivant les stages que j’ai faits et les gens que j’ai rencontré, cela a précisé les choses. Je suis originaire de Lyon où j’ai fait une licence en biologie. Je suis ensuite allée à Montpellier en Master en ingénierie en écologie et en gestion de la biodiversité. J’ai fait mon premier stage de recherche en 2011 au Vanuatu, dans un cadre idyllique, à travailler sur la gestion des pêcheries récifales et à étudier comment les communautés locales géraient leurs propres ressources marines (Léopold, Beckensteiner et al. 2014).
C’était un peu le stage de master de rêve et mon maitre de stage de l’époque, Marc Léopold m’a vraiment donné envie de me spécialiser dans la gestion des ressources marines et l’aménagement de pêcheries. Je me vite suis rendue compte que ce domaine de l’halieutique comportait des méthodologies très particulières et qu’il serait préférable de faire un second Master 2 spécialisé dans les sciences halieutiques pour me familiariser aux méthodes quantitatives propres à ce domaine.
J’ai donc suivi un semestre de cours à l’Agrocampus de Rennes. Mon stage portait alors sur l’évaluation de deux stocks de poissons côtiers exploités dans le sud de l’Angola, pauvres en données et sur comment préserver ces stocks avec des aires marines protégées (Beckensteiner et al. 2016).
Pour ce stage, j’étais encadrée par David Kaplan qui était alors basé à l’UMR Marbec à Montpellier. Il était d’accord pour collaborer avec moi pour une thèse et vu qu’il a eu un poste aux États-Unis au Virginia Institute of Marine Science, je l’ai suivi ! Et voilà comme je me suis retrouvée aux États-Unis pour faire mon PhD.
En effet, il s’agit d’un contrat de 5 ans. Les deux premières années, on ne fait malheureusement pas beaucoup de recherche. Il y a énormément de cours, comme quand on est en Master. Tout le monde est remis à niveau avec des cours d’océanographie physique, d’océanographie biologique etc. Et puis, il faut aussi trouver ses propres financements pour la thèse. Parfois, les deux premières années sont financées par l’Institut et après, c’est à l’étudiant de monter des dossiers pour des bourses. Certains étudiants arrivent sur des projets déjà financés par leur encadrant mais c’est assez rare.
Ma thèse évaluait l’efficacité des droits d’usage territoriaux (ou TURFs en anglais) pour la gestion des pêches et de l’aquaculture au Chili et en Virginie, et leurs enjeux associés. Cette thèse traitait des domaines tels que l’exploitation des ressources naturelles, l’aménagement territorial ainsi que les conflits d’usages côtiers et présentait alors un caractère interdisciplinaire unique car elle relève des champs des sciences de la nature, des sciences halieutiques et des sciences sociales (économie).
D’ailleurs, j’étais co-encadrée par Andrew Scheld qui est un économiste des pêches. Cette collaboration m’a donné goût à l’économie des ressources naturelles, j’ai même fait un premier postdoc de 6 mois sur l’évaluation économique des impacts dus au développement de parcs éoliens en pleine mer sur les pêcheries de bivalves de l’Atlantique Nord-Ouest. C’est comme ça que de fil en aiguille, je me retrouve aujourd’hui à AMURE avec un statut de « Postdoc d’économiste » bien que je sois à la base biologiste!
Je ne connaissais pas du tout Brest. Ce qui m’intéressait, c’était de travailler avec Olivier Thébaud. Je l’avais rencontré deux ans auparavant à une conférence, North American Association of Fisheries Economists Forum en Nouvelle-Écosse, et je lui ai proposé qu’on monte un projet de recherche ensemble. Il a été ouvert à l’idée, on a réfléchi pendant un an à un sujet qu’on a également développé avec un collègue canadien, Tony Charles, et qu’on a finalement soumis à ISblue. Au final, je n’ai pas choisi Brest en particulier, mais j’ai choisi le collaborateur, l’équipe et l’unité de recherche AMURE qui est une des seule unité de recherche en socio-économie des pêches en France.
Le sujet est intitulé FishAdapt : Renforcer la durabilité de la pêche par l’adaptation des systèmes socio-écologiques aux changements globaux. Il s’agit de voir comment les pêcheurs, d’une part, mais aussi les institutions de gestion des pêches, d’autre part, peuvent réagir et s’adapter face à des changements de grande ampleur que ce soit des changements environnementaux, économiques, ou socio-politiques. Les pêcheries s’adaptent de facto, alors ça peut être une nouvelle distribution spatio-temporelle des pêcheurs, de nouvelles espèces ciblées, ou de façon de pêcher, ou bien une transformation en termes d’organisation de la filière. Parfois, ces réponses vont avoir des répercussions négatives sur le collectif. L’adaptation du cadre de gestion prend souvent plus de temps que les acteurs économiques et ça, c’est potentiellement un problème. La question qui nous semble importante, c’est quelle est la capacité des systèmes de gouvernance qui limite ou au contraire qui favorise ces réponses.
Je vais étudier deux cas d’études qui ont expérimenté d’importantes transformations ces dernières décennies. Le premier cas d’étude comprend les pêcheries de petits pélagiques dans le Golfe de Gascogne et le second concerne le développement des pêcheries d’invertébrés en Nouvelle-Écosse. Pour ce projet, je vais faire à la fois des enquêtes de terrain auprès des acteurs qui ont été touchés par les crises, de l’analyses de données statistiques des pêches et de la modélisation bioéconomique.
Cette recherche permettra des évaluations plus complètes des réponses à long terme des systèmes de pêche, en identifiant les processus d’adaptation aux niveaux sectoriel, communautaire et institutionnel. Les résultats permettront d’identifier des scénarios de gestion alternatifs, plus flexibles et adaptatifs des socio-écosystèmes marins.
Malheureusement, je connais de plus en plus de post-doctorants qui quittent le milieu de la recherche car ils ne trouvent pas de postes permanents. Le milieu reste précaire pour nous. C’est compliqué ! J’imagine que je vais enchainer quelques postdocs avant une éventuelle titularisation. Mon rêve se serait de travailler à l’IRD mais il y a très peu de postes….
En tout cas, j’aimerai désormais rester en France..!
J’ai été agréablement surprise ! J’ai vécu 6 ans en Virginie, caractérisée par un climat assez tropical, et en France, j’étais plutôt du sud, entre Lyon et la côte méditerranéenne. J’avais donc beaucoup d’appréhensions niveau climat breton. Mais c’est moins pire que ce que à quoi je m’attendais. On m’avait également dit que la ville était très industrielle mais encore une fois je m’attendais à pire : j’aime son port commercial, la marina, le château en pleine ville et la Penfeld. Et puis, comparé aux États-Unis, le fait de ne pas avoir à prendre ma voiture tous les jours pour me déplacer, c’est vraiment agréable. Je redécouvre le charme des commerces de proximité et les marchés hebdomadaires, le tout à pied, c’est chouette !