Accueil · 9 juillet – SEMI-TWIST Sylvie Leroy: Exploration de la frontière nord-Caraïbe de 1985 à nos jours

9 juillet – SEMI-TWIST Sylvie Leroy: Exploration de la frontière nord-Caraïbe de 1985 à nos jours

Pour le premier « sémi-twist » de la mission, nous avons eu le plaisir d’avoir une présentation sur l’exploration de la limite Nord de la plaque Caraïbe depuis 1985, par Sylvie Leroy. Directrice de recherche au CNRS, c’est une spécialiste des structures et de l’évolution géodynamique de la plaque Caraïbe.

La plaque Caraïbe se trouve entre les plaques nord-américaine, sud-américaine, Cocos et Nazca. La limite Nord de cette plaque, avec la plaque nord-américaine, est une zone à très forte sismicité (Figure 1). A cet endroit, 2 grandes failles décrochantes sénestres actives forment une zone de cisaillement (Strike-slip Fault Zone) double, avec la Faille Septentrional-Oriente (SOFZ) au nord et la faille Enriquillo-Plantain Graben (EPGFZ) au sud.

Figure 1: Topographie et sismicité à proximité de la frontière entre les plaques Caraïbe et Amérique du Nord. La sismicité (carte du haut) est très forte sur les bordures du fossé de Cayman (M =7.8 en 2020) et en Haïti (Mw = 7.2 en 2010 et 2021). Les profondeurs des foyers sont plus importantes à l’Est avec un changement des déformations tectoniques, passant de mouvements décrochants à des failles inverses (carte du bas). (source: S. Leroy, modifié de Calais et al., 2023).

Cette zone est très propice pour évaluer la dynamique long terme des interactions entre la plaque caraïbe et la plaque Amérique du Nord, en étudiant notamment les phases de déformation, la géométrie des structures, la nature de la croûte et l’héritage tectonique. De nombreuses campagnes ont eu lieu sur cette zone. La première campagne française, Seacarib, a été réalisée en 1985 et la seconde, Seacarib 2, en 1987, à bord du N/O (Navire Océanographique) français Jean Charcot. Durant ces campagnes inaugurales, ont été réalisés de nombreux profils de bathymétrie et de sismique-réflexion (3 traces) au Sud de Cuba. En 1992, la mission CASIS est partie au Nord de la Jamaïque sur le N/O Nadir pour faire de la sismique-réflexion multitrace (96 traces). Les campagnes HAITI-SIS 1 & 2 (2012 et 2013) ont permis de réaliser des profils de sismique-réflexion 24 traces à l’ouest d’Haïti sur le N/O L’Atalante. Toutes ces campagnes ont été motivées par l’envie de comprendre les dynamiques associées à cette limite mais aussi par l’occurrence de forts séismes qui ont impacté les pays voisins (Haïti, Jamaïque et Cuba), tout particulièrement les séismes de 2010, 2018 et 2021.

Parmi les nombreuses informations recueillies, la reconnaissance de la forme des anomalies magnétiques dans le fossé de Caïman (Figure 2) a permis de dater le plancher océanique. Le premier plancher océanique (le plus ancien) a été daté à l’anomalie magnétique 22, qui correspond à environ 53 Ma. Cette zone évolue donc depuis le début de l’Eocène, où les mouvements étaient décrochants sur plus de 1000 km le long de la faille Trocha située au Nord de la plaque Caraïbe. Au cours de l’Oligocène (20 Ma), l’accrétion océanique a migré vers le Sud, créant un second axe, et l’île de Cuba est alors entrée en collision avec la province carbonatée des Bahamas qui est rigide et épaisse. Puis, la partie océanique de la plaque Amérique du nord est entrée progressivement en subduction sous la plaque Caraïbe (slab visible sous la République Dominicaine) où un arc volcanique se met en place, permettant ainsi de former les îles de l’arc des Antilles. L’étirement généré par les mouvements transformants sur le système de failles bordant le fossé de Caïman et Haïti (Figure 1) a induit la mise en place de trois bassins le long du couloir décrochant entre la Jamaïque et Cuba. Ils sont caractérisés d’un point de vue structural par une marge passive hyper-étirée de grande dimension (400 km environ en longueur) avec des blocs basculés et un remplissage sédimentaire syn-rift (dépôt lors de la déformation). Plus récemment, après ce rifting rapide, on observe que les séries post-rift sont incisées par la faille active EPGZ et que les séquences sédimentaires plus jeunes sont souvent déformée en compression, en raison de la collision avec la plateforme des Bahamas. Enfin, le bassin de Navssa, situé à l’est de la faille EPGFZ (près de la bordure sud de Haïti), est asymétrique et constitué d’une série sédimentaire initiée il y a seulement 11 Ma, lors de la mise en activité de la faille décrochante Haïti-Jamaïque.

Figure 2 : Anomalies magnétiques le long du fossé de Cayman (Leroy et al., 2000)

Cette conférence inaugurale a permis de comprendre dans quelle historique de recherches se situe la campagne HAITI-TWIST. La zone d’étude entre Jamaïque, Cuba et Haïti constitue un secteur-clé pour comprendre l’évolution du double système de failles accommodant le déplacement relatif entre les plaques Amérique du Nord et Caraïbe. La mission Haïti-Twist devrait permettre de valider et tester les hypothèses de 1995 de Sylvie Leroy puisque depuis lors, aucun nouveau prélèvement n’a été effectué. L’un des objectifs majeurs sera donc d’échantillonner les sédiments le long des deux couloirs de faille situés entre Haïti et les îles de Cuba et de Jamaïque.

Maïwen & Tifenn, au nom des étudiant·es de l’Université Flottante

Références citées:
– Calais, E., Gonzales, O., Arango‐Arias, E. D., Moreno, B., Clares, R. P., Cutie, M., et al. (2023). Current deformation along the northern Caribbean Plate Boundary from GNSS measurements in Cuba. https://doi.org/10.2139/ssrn.4537779
– Leroy, S. Mauffret, A., Patriat, P., and Mercier de Lépinay, B. (2000). An alternative interpretation of the Cayman trough evolution from a reidentification of magnetic anomalies. Geophys. J. Int., 141, 539–557.

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