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Séminaire 17 – 13/10/25: Projet ANR COYOTES: Que nous apprend l’étude des fonds marins autour de Mayotte et du canal du Mozambique

Présentation par Isabelle Thinon

Synthèse réalisée par Jacques sur la base des notes prises par les étudiants

Ce séminaire présenté par Isabelle Thinon (BRGM), co-cheffe de mission de la campagne, portait sur le Projet ANR COYOTES (COmores & maYotte : vOlcanisme, TEctonique et Sismicité).

Isabelle Thinon récapitule d’abord l’histoire de la crise sismo-volcanique de Mayotte, remarquable par ses manifestations : (1) une sismicité intense, de longue durée, anormalement profonde (dans le manteau) et toujours active aujourd’hui, dans une zone classée auparavant comme modérée ; (2) une déformation de l’île importante et rapide, de juillet 2018 à fin 2020, marquée par une subsidence de sa partie orientale de 10 à 19 cm et un déplacement vers l’Est de 20 à 25 cm ; et (3) deux découvertes spectaculaires : (a) un nouvel édifice volcanique sous-marin en éruption, le Fani Maoré (hauteur 820 m, diamètre 5 km, à ~3400 m de profondeur et 50 km de Mayotte), avec un volume de magma émis de ~6.4 km³ et un activité maintenue jusqu’à fin 2020, et (b) des émissions actives de fluides (CO2, CH4) au-dessus des sites du Fani Maoré et aujourd’hui encore du Fer à Cheval.

Vient alors le temps des questions en suspens concernant cet évènement magmatique exceptionnel, notamment sur les types de volcanisme et les processus en cours, la « plomberie magmatique », le contexte géodynamique et géologique régional et local, les évènements comparables éventuels dans le passé, et les aléas et risques associés. Avant cette crise, il y avait peu de données précises disponibles sur cette zone de l’archipel des Comores, dont la nature volcanique était connue mais faisait l’objet de débats controversés sur ses liens avec les systèmes de rift voisins (rift Est-Africain à l’Ouest, Rift Malagasy (Madagascar) à l’Est) et sur les modes et la distribution des déformations existant sur cette limite diffuse entre les plaques lithosphériques Lwandle et Somalie, correspondant à un grand décrochement dextre (voir flèches bleues dans l’encadré noir, Figure 1 ci-contre, extraite de Thinon et al., 2022).

Grâce aux nouvelles données acquises sur tout l’archipel (campagnes SISMAOR, SCRATCH, GEOFLAMME, MAYOBS et levés SHOM), des compilations bathymétriques ont été réalisées, révélant deux grandes provinces volcaniques, Mwezi et N’Droundé (Figure 2), s’étendant sur ~4000 et 6000 km², avec plus de 2400 édifices volcaniques de taille comparable ou inférieure à celle du Fani Maoré, ~3000 km² de coulées de laves, ~1000 km² de plis forcés de sills magmatiques et de nombreuses fissures éruptives, failles et grabens. C’est donc un système volcanique de 700 km de long et plus de 200 km de large, qui correspond typiquement à une limite de plaque immature (en cours de formation).

Figure 2. Structures volcaniques identifiées sur le fond marin dans l’archipel des Comores (extrait de Paquet et al., 2025 ; Thinon et al., 2022) sur fond bathymétrique établi par S. Saragozi (EPOC, comm. pers.).

Par ailleurs, la datation des roches volcaniques prélevées sur l’ensemble de l’archipel, à terre et en mer, a révélé des âges compris entre 9 Ma et 8000 ans, indiquant que l’ensemble de l’archipel doit être considéré comme une zone volcanique active (âges inférieurs à 10 000 ans). Grâce aux données d’imagerie sismique profonde, il a été possible de définir l’extension de la base des édifices volcaniques sous le fond marin, dont les îles ne sont que la partie émergée (Figure 3) : ainsi, l’édifice volcanique de Mayotte s’étend en fait sur environ 250 km de large, sous 1 à 2 km de sédiments, s’étant formé progressivement durant 28 Ma en plusieurs phases (Figure 3). L’extension des édifices de la Grande Comore, de Moheli et de Zélée, en plusieurs phases d’âges variables, a aussi pu être déterminée (Figure 3).

Figure 3. Extension des édifices volcaniques majeurs dans le canal du Mozambique, avec les âges du début de leur formation. Teintes bleues: Mayotte; jaunes: Grande Comore; vertes: Moheli; violettes: Zélée). Modifié d’après Masquelet et al. (2025).

Enfin, la chronologie des événements volcaniques dans le canal du Mozambique nord a pu être précisée :

Vers 32 Ma, le volcanisme de l’archipel des Comores débute, avec la construction de Zélée-Geyser ;
Vers 28 Ma, c’est le début du volcanisme de Mayotte (évènements volcaniques Est-Mayotte à ~ 22, ~ 17 et ~ 9 Ma) ;
Vers 10 Ma, commence l’émersion de Mayotte ;
A partir de 9 Ma, le volcanisme se généralise sur l’ensemble de l’archipel des Comores (Mohéli, Est-Mayotte, Banc Cordelière) et est suivi d’une période calme de ~3 Ma jusqu’à 2.5 Ma ;
Après 2 Ma, on constate une reprise du volcanisme et sa propagation vers le Nord, avec la naissance des provinces Mwezi et N’Droundé (Figure 2) ;
Depuis ~2 Ma, on relève des indices d’évènements volcaniques dans la plaine abyssale au nord et à l’Est de Mayotte, accompagnés de glissements sous-marins (Est-Mayotte, ….) de moins de 10 000 ans ;
Vers 8 000 ans, le volcanisme se manifeste sur les îles de Mohéli et Anjouan, et vers 7 000 ans, sur Petite-Terre ;
Vers 700 ans, les premiers hommes occupent Mayotte
En 2007, c’est la dernière éruption volcanique sur Grande Comore, puis l’éruption sous-marine de Fani Maoré de 2018 à 2020.

La Figure 4 représente l’ensemble des structures imagées sous Mayotte par une vue en perspective depuis la surface jusqu’à plus de 8 km de profondeur, mettant en évidence l’édifice volcanique Fani Maoré en fond de mer (en violet), mais aussi :

les couches volcaniques successives du socle de Mayotte mises en place depuis 28 Ma autour de 4 km de profondeur (en vert et rose),
les épaisses séries sédimentaires déposées antérieurement entre ~4 et ~8 km de profondeur (en jaune),
le toit de la croûte océanique vers 8 km de profondeur, dont l’âge est estimé à environ 150 Ma (Jurassique).

**Figure 4**. Représentation en perspective et en profondeur du système volcanique de Mayotte, avec une image sismique en coupe orientée du Sud (à gauche) vers le Nord (à droite) passant à travers la chaîne volcanique de l’Est de Mayotte. Le principe de la construction d’une coupe en sismique-réflexion est rappelée en haut à gauche de la figure. llustration modifiée de Sylvie Leroy (ISTEP Paris), publiée dans **Masquelet et al. (2022)**.

Ce dernier séminaire nous a permis de mesurer les progrès accomplis depuis la crise sismo-volcanique de Mayotte initiée en mai 2018, notamment sur la qualité et l’abondance des données acquises, la bathymétrie, la sismique profonde, les morphostructures et les édifices volcaniques. Cette présentation a révélé toute l’histoire géologique depuis près de 30 Ma de l’archipel des Comores et de contextualiser la formation et l’évolution de cet archipel et du volcan Fani Maoré.

Pour en savoir plus: voir présentation du Projet COYOTES sur le site de l’ANR

Pour en savoir un peu plus encore: voir site de geocean.net détaillant le projet COYOTES

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